
La consommation de substances illégales: vos cheveux vous trahissent!
Pharmacocinétique des drogues dans les cheveux
Dès 1979, les entreprises médico-légales emploient les cheveux pour identifier des consommations substances chimiques présentes dans l’organisme.
Les avantages de l’analyse pour les suspects
Le prélèvement de cheveu présente des avantages non négligeables. Il laisse la possibilité de procéder à un second prélèvement, pour pouvoir étudier plusieurs fois la même période de temps. De plus, contrairement aux urines qui ne gardent les substances consommées que quelques jours, le cheveu garde l’information jusqu’à sa dégradation. On peut alors étudier la progression de l’usage de substances toxiques au cours du temps (1cm par mois).
Cependant, il existe encore de nombreuses incertitudes, par exemple l'influence de contaminations externes, des traitements cosmétiques et de possibles facteurs raciaux qui pourrait affecter les résultats obtenus lors d’analyses.

Tableau I : Seuils proposés pour l'interprétation des résultats des analyses de cheveux
http://docnum.univ-lorraine.fr/public/BUPHA_T_2013_NOYE_ALICE.pdf
Incorporation des drogues dans les cheveux
D’un individu à l’autre, le délai d’apparition de substances dans les cheveux peut varier d’une journée a une semaine. Elles s'incorporent par diffusion à partir du sang, de la sueur, du sébum ou de la contamination externe.
Cette incorporation est due au caractère lipophile ou hydrophobe (1) de la mélanine, à son caractère basique ainsi que par différentes affinités qu’elle a avec les substances.
Selon la force de l’électronégativité : le groupe -OH ou hydroxyle est une liaison polarisée. Par conséquent, l’atome d'hydrogène possède une charge partielle négative. Ainsi, dans la molécule d’eau comme dans les molécules de mélanine, les groupes hydroxyles, et particulièrement les atomes d'hydrogènes qui se situent à l'extérieur des molécules, se repoussent.

Formules I : Les différents types de mélanine
http://tpe-decoloration-capillaire.e-monsite.com/pages/une-molecule-importante-la-melanine.html
Selon l’étude de Röhrich J., Zörntlein S., Pötsch L., Skopp G, Becker J. Effect of the shampoo Ultra Clean on drug concentrations in human hair, se laver les cheveux avec certains produits fait aussi baisser la concentration de certaines drogues. Par exemple, la concentration de THC diminue de 36% après un seul lavage avec le shampoing « Ultra Clean ».
Les substances fumées comme la nicotine, inhalées comme la cocaïne ou même injectées comme l'héroïne peuvent se déposer sur toute la longueur du cheveu soit par voie aérienne soit par la sueur, ce qui peut influencer les résultats. Ces substances sont appelées alcaloïdes. En effet, les kératinocytes possèdent des récepteurs à alcaloïde. De ce fait, en les consommant ou même s’ils sont transmis par voie aérienne, ces récepteurs sont déclenchés et empêchent la migration des kératinocytes, ce qui engendre la kératinisation des follicules pileux ; ce qui entraîne des anormalités au niveau des cheveux. Cependant, il est possible après deux lavages de décontaminer les prélèvements soit par solution aqueuse, soit par solvant organique, soit par les deux successivement pendant différents temps d'incubation et à différentes températures. Ainsi, les substances qui ne sont pas diffusés par voie sanguine sont plus facilement incorporés aux cheveux, ce qui peut engendrer de fausses déductions.
En effet, si l'incorporation a lieu à travers la diffusion du sang, les substances se retrouvent dans la région médullaire de la matrice kératinisée et non au niveau cortical, ce qui est le cas lors d’une contamination passive.

Schéma I : Apport de nutriments dans les cheveux, avec l’exemple de l’alcool
Interprétation
Kintz (voir photographie I ci-dessous) est un scientifique reconnu spécialisé dans l'étude des cheveux et plus particulièrement dans la détection du dopage et la toxicologie. Voici l'interprétation des résultats quantitatifs de différentes expériences qui ont pour but de pour différentes classes de drogues auxquelles il a participé. On peut voir ci-dessous un tableau (tableau II) présentant les valeurs seuil pour l'interprétation des résultats des analyses quantitatives dans les cheveux.
Photographie I : Dr. Pascal Kintz, Président de la Société Française de Toxicologie
Tableau II : Valeurs seuil pour l'interprétation des résultats des analyses quantitatives dans les cheveux
Dans l'idéal, chaque laboratoire devrait déterminer ses propres valeurs seuil en fonction de son pays d'origine, du but des analyses, des substances cibles recherchées et de la méthode analytique employée. Dans le cas présent nous avons récupéré des informations provenant de différentes études menées par différents laboratoires, malheureusement ils n’étaient pas tous citées dans les documents étudiés.

Tableau III : Fréquence de consommation et valeur seuil de la cocaïne et de la morphine
http://docnum.univ-lorraine.fr/public/BUPHA_T_2013_NOYE_ALICE.pdf
Détection de la cocaïne
Le dépistage de la cocaïne est le plus performant des tests capillaires, on retrouve en effet facilement de grandes concentrations de cocaïne dans les cheveux des consommateurs.

Formule III : La cocaïne
On peut effectuer ce test lors de l’interrogation d’un suspect ou pour évaluer l’état mental d’un individu interrogé :

Tableau IV : L'efficacité du prélèvement en fonction de la situation de prélèvement
Ainsi, un test par le biais des cheveux est 670 % plus efficace que l’urine dans le cas du dépistage des consommateurs occasionnels. De plus, il permet une distinction entre les consommateurs occasionnels, moyens, réguliers.
En conclusion, les cheveux répondent aux exigences nécessaires pour être ajoutés aux matrices déjà employées pour le dépistage de substances illicites. Celui-ci permet d’étudier le mode de vie d’un individu et la fréquence de sa consommation grâce à la concentration présente dans le cheveu mois après mois. Elle peut ainsi permettre de déterminer l’état mental d’un suspect, de la victime ou d’un témoin au moment du crime ; et cela bien longtemps après la date du crime.
Vocabulaire:
(1) Qui retient les substances grasses.
La mélanine, ainsi que d’autres protéines naturellement présentes dans le cheveu, sert à fixer ces substances toxiques. Le contenu en mélanine du cheveu, et par conséquent la couleur et l'origine ethnique des cheveux, est donc un paramètre important qui régit cette incorporation. Les cheveux noirs, contenant beaucoup de mélanine, présentent des concentrations plus élevées que les cheveux blonds.
Certains traitements cosmétiques peuvent modifier la concentration de stupéfiants présente dans les cheveux et sont donc une possible méthode d'altération. En effet, la décoloration et les « permanentes » retirent la mélanine du cheveu et par conséquent, la concentration des drogues présentes peut alors être diminuée de 40 à 80%.
EXEMPLE : LE BRUSHING
Les liaisons hydrogènes intracaténaires se rompent lors de la douche. Lors d’un brushing, le mouvement d’étirement des cheveux provoque alors une déformation temporaire de la kératine. Quand on sèche les cheveux des nouvelles liaisons hydrogènes sont établies et le cheveu adopte une nouvelle forme temporairement. Ce traitement cosmétique peut alors modifier l’apparence des cheveux et la forme spatiale de la kératine : la kératine alpha se transforme en kératine béta (voir partie I. A). Ce changement spatiale temporaire peut empêcher certaines liaisons, notamment hydrogènes de se former.

Formule II : Kératine béta

