
Pourquoi tant D'A.D.HAINE (nucléaire) ?
L’analyse de l’ADN nucléaire est une méthode connue et reconnue afin d’identifier différents individus. Elle est bien entendu utilisée par la police scientifique pour identifier victimes et criminels, ou du moins éliminer des suspects.
Rappel sur l’ADN
“L’ADN est le principal constituant des chromosomes présents dans nos noyaux cellulaires. L’information génétique est contenue dans notre ADN, on peut donc dire que notre ADN est le “support de l’information génétique”. Cette information génétique permet la fabrication des protéines qui gèrent la quasi-totalité de nos fonctions biologiques.” - Définition de www.police-scientifique.com

Schéma I : De la cellule à la protéine
Prélèvement
L’ADN peut être prélevé à partir de n’importe quelle cellule humaine. Par conséquent, cela inclut les cheveux retrouvés, et plus précisément si ceux-ci ont un bulbe.

Observation I : Bulbe pileux au microscope grossissement x400

Observation II : Schéma d’une coupe de bulbe pileux au microscope
http://audilab.bmed.mcgill.ca/HA/html/skin_23_F.html, modifie
Malheureusement, si un cheveu ne fait que tomber naturellement, il ne possède pas toujours un bulbe.
Pour pouvoir obtenir une analyse de l’ADN de qualité, il ne faut pas plus de 100 cellules eucaryotes d’un individu soit proche d’un milliardième de gramme (1ng). Cependant, grâce à la PCR (Polymerase Chain Reaction ou Reaction de Chaine de Polymérisation), il est possible de recréer l’ADN de ces cellules manquantes.
Le PCR
Le PCR consiste à recréer le phénomène de réplication ADN qui a lieu lors de la mitose artificiellement. Pour cela, on a recourt à un morceau d’ADN d’environ 18~20 nucléotides, qui va se déposer sur le brin d’ADN à dupliquer, appelé : ADN amorce (DNA primer). Cet ADN amorce permet à la fois de choisir la séquence à dupliquer et de démarrer le processus de duplication. En effet, l’ADN polymérase (1) n’agit qu’en attachant de nouveaux nucléotides à un brin déjà existant.

Schéma II : PCR (Polymerase Chain réaction ou Reaction de Chaine de Polymérisation)
La technique de PCR affecte les résultats, surtout quand on l’emploie à l'extrême comme dans l’affaire Treiber ou dans l’affaire de la Tuerie de Chevaline, où le personnel a contaminé l'évidence lors d'une enquête criminelle.
Ainsi, différentes sources de contaminations ou phénomènes peuvent former des résultats (faire apparaître des pics dans l’analyse électrophorèse notamment) qui ne proviennent pas de l’ADN, en particulier en LNC (Low number Copy), mais de :
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Pollutions environnantes (opérateur, matériel et environnement de travail, atmosphère)
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ADN dans l’environnement
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Une perte d’un allèle
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Un déséquilibre de la part des allèles d’un gène particulier
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Une augmentation du taux de présence d’une erreur génétique
La police scientifique prends donc de nombreuses précautions :
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Matériel et plans de travail stériles, combinaison intégrale
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Des vêtements de protection complets : gants, masque, combinaison intégrale des spécialistes de scène de crime.
Électrophorèse
L'électrophorèse consiste à séparer des molécules pour les identifier selon leur taille en leur appliquant un champ électrique. L'électrophorèse classique se faisait dans des bacs gélatineux (polyacrylamide) rectangulaires jouant le rôle de “tamis moléculaire”.
De nos jours, l'électrophorèse se fait dans des tubes de la taille d’un cheveu. Elle est appelée électrophorèse capillaire. Grâce à un courant élevé, la séparation des molécules est presque très rapide. On récupère les résultats à l’aide d’un détecteur à la sortie du tube qui enregistre la sortie des morceaux d’ADN en fonction du temps.


Schéma IV : Processus de l'électrophorèse capillaire
Biologie et Multimédia - Sorbonne Université - UFR des Sciences de la Vie

Ainsi, on ne peut savoir si le fragment d’ADN obtenu à la sortie du tube de 120 nucléotides correspond à 30 AACG ou 24 AACGT.
À cela, on ajoute le nombre de possibilités d'allèles pour chaque gène et l’analyse des résultats nous semble alors impossible.
Ainsi, on propose 2 solutions :
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Choisir attentivement les marqueurs STR. Sélectionner des marqueurs dont le nombre de nucléotides pour chaque allèle ne se superposent pas.

Les résultats sont donc présentés sous forme de graphique avec en abscisse le temps et en ordonnée la quantité d’ADN détecté.
L'électrophorèse permet de faire un séquençage complet de l’ADN. Cependant, cette méthode de séquençage est longue et cela même avec l’aide des séquenceurs automatiques (plusieurs jours pour l’ADN mitochondrial donc beaucoup plus pour l’ADN nucléaire).
Le profil génétique ou empreinte génétique
On étudie donc différents allèles, particuliers à une partie de la population uniquement. C’est “l’empreinte génétique” aussi appelé “profil génétique” puisqu’il ne correspond qu’à une partie infime de notre génome.
“Les zones d’ADN dans lesquelles sont présentes des variations sont souvent appelées des “marqueurs génétiques” (synonyme de locus marqueur). Lorsque les marqueurs génétiques sont des zones non codantes la variation est visible par le nombre de répétition d’une séquence. Lorsque les marqueurs sont des zones codantes, la variation est visible sur le gène et se traduit sur la protéine correspondante. Ainsi pour les groupes sanguines A, B et O l’analyse du marqueur génétique peut se faire sur le gène mais aussi sur la protéine codée par le gène.” - Définition de marqueur génétique de www.police-scientifique.com
Bien qu’on puisse facilement conclure à une exclusion, il est difficile de décider d’une identification car l’ADN étudié n’est qu’une partie infime du génome. Les résultats d’identification sont donc basés sur des analyses statistiques.
Parmi eux, les STR permettent d’identifier les individus jusqu’à 1 sur 100 000 000. On peut aussi étudier les VNTRs ou encore les SNPs (cliquez ici pour en savoir plus).
Afin de comparer différents individus de façons plus efficace, et lorsqu’on a accès à l’ADN des suspects, on effectue donc des analyses multiplexes.
Les analyses multiplexes
On cherche à comparer les résultats de l’ADN retrouvé avec ceux de l’ADN des suspects.
Cependant, à la fin de l'électrophorèse, il est difficile de déterminer si un résultat est concluant ou non. En effet, on étudie les STR, ‘Short Tandem Repeat’. Un STR consiste à une répétition d’une suite de 2 à 5 nucléotide.
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Artificiellement colorer les différents marqueurs STR étudiés afin de ne pas les confondre.

Exemple d’analyse de comparaison de l’ADN suite à une électrophorèse capillaire
L’analyse multiplexe des STRs permet aussi de repérer des mélanges d’ADN avec l'apparition d’un 3ème ou 4ème pic correspondant à un autre allèle.
Après l'électrophorèse, il est aussi possible de faire un séquençage de l’ADN, bien que le processus soit long et non pratique.
Pour en savoir plus sur le séquençage ADN, cliquez ici
Études Morphologiques
En général, les enquêteurs comparent un échantillon trouvé sur la scène du crime au profil de suspects connus par la police.
Afin de pouvoir avancer les recherches pour des échantillons ne correspondant ni à des profils suspects, ni aux profils des bases de données ADN, il a fallu trouver d’autres méthodes d’analyse d’ADN.
Depuis récemment, la loi autorise l'étude d'allèles afin de déterminer la morphologie d’un criminel à partir de sa génétique dans le cadre d’une enquête policière et des conditions suivantes :

Extrait du code Pénal
Pour étudier les différents allèles, les enquêteurs emploie parfois une sonde ADN comme vu précédemment.
Sonde ADN

Schéma V : Sonde ADN
Si on ne connait pas la séquence de l’ADN à retrouver, on peut retrouver l'ARN messager correspondant aux protéines produites et retranscrire inversement celui-ci.
Ainsi, on peut déjà déterminer la couleur des yeux ou des cheveux avec un taux de probabilité plutôt élevée.
24 marqueurs génétiques sont analysés et c’est la mise en relation des données obtenues qui permet d'émettre une hypothèse sur la couleur des cheveux ou des yeux.
Afin de créer ce test, les allèles de 1551 individus aux yeux et cheveux différents ont été étudiés. À partir de leurs informations génétiques apparaissent alors des tendances. Ces tendances sont croisées avec les résultats de l’analyse ADN et permettent de supposer la couleur des cheveux d’un individu.
Les prédictions ont été correctes dans 69,5 % des cas pour les cheveux blonds, 78,5 % pour les cheveux bruns, 80 % pour les roux et 87,5 % pour les cheveux noirs ; et cela partout sur Terre. (Revue : Forensic Science International : Genetics)
Ces études morphologiques permettent aux enquêteurs de dessiner un profil visuel des criminels. Cette méthode très utile est cependant partiellement contestée par des droits étiques.
Conclusion
Bien que très discriminante, l’analyse ADN est prône, comme toute autre méthode scientifique, à des erreurs systématiques ou aléatoire, notamment humaines : prélèvements, transport, conditionnement et autres manipulations ou encore des contaminations quelconques.
L’ADN nucléaire permet donc facilement de faire des exclusions de suspect. Elle est aussi très discriminante lors de résultats positif, dépendamment de la qualité de l'échantillon (contamination, marqueurs étudiables etc.)
Vocabulaire :
(1) L'ADN polymérase permet la création d'un brin fils ADN génétiquement identique au brin ADN père (sauf erreurs).
L’approche de Bayes et pouvoir discriminant de l’analyse
Comme l’identification d’un individu n’est pas complètement démontrable, on effectue des analyses statistiques de l’évidence afin de déterminer son pouvoir discriminant.
Il faut prendre en compte de nombreux facteurs comme la probabilité que la trace provient de quelqu’un d’autre que le suspect et celle de correspondance coïncidente ; et donc étudier la probabilité de retrouver les mêmes allèles (fréquence des génotype) chez différentes populations. Cette fréquence de génotype est calculable à partir de la fréquence des différents allèles.

Tableau I : fréquence des allèles A, B et O dans plusieurs populations
L’approche de Bayes permet d'étudier de façon scientifique les probabilités obtenus.
Concernant l’affaire en général
Hp : hypothèse du procureur (de l’accusation) : le suspect est à l’origine de la trace ADN.
Hd : hypothèse de la défense : une autre personne que le suspect est à l’origine de la trace ADN.
I : Informations générales sur le cas, circonstances de l’affaire
E : Évidence, concordance entre une trace et le matériel de comparaison
P (E/Hp,I) : Probabilité d’observer « ce profil génétique » sachant l’hypothèse du procureur et les informations du cas
P (E/Hd,I) : Probabilité d’observer « ce profil génétique » sachant l’hypothèse de la défense et les informations du cas
Les équipes de scientifiques en charge de l'évidence n'étudient uniquement “LR”. Ils ne sont pas au courant des circonstances de l’affaire afin de ne pas influencer leur jugement.
À la suite de ce calcul appelé rapport de vraisemblance, si LR<1 alors l'hypothèse du procureur est soutenue, si LR>1 l'hypothèse soutenue par l’évidence est celle de la défense.
Cependant, même le calcul de vraisemblance est plus ou moins faillible, notamment lors de LNC ou en présence d’un mélange d’ADN.


On rappelle qu’un cheveu est composé de cellules mortes. L’ADN s’y désintègre très vite et n’est par conséquent pas analysable. Cependant, l’ADN mitochondrial peut toujours être analysé dans le reste du cheveu. Pour en savoir plus, cliquez ici
On peut très bien voir sur cette coupe (observation II) la désintégration progressive des noyaux qui oblige la police scientifique à étudier des cheveux avec des bulbes uniquement. En effet, s’il n’y a plus de noyau, il n’y a plus d’ADN nucléaire à étudier.